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Pas d'hiver pour Megève

Dernière mise à jour : 6 mars 2023

Megève, la station plus que centenaire, appelée aussi la petite Suisse des Alpes, est un terrain d’étude idéal pour saisir les conséquences de la baisse de l’enneigement sur le modèle économique de Megève en particulier et des stations de ski en général. Un enjeu qui n’est pas anodin, puisque ce marché est estimé en France à 10 milliards d’euros.

Megève, Rochebrune, fin de piste du côté de l'Alpette, 24 février 2023.


Le premier constat est factuel. Il illustre localement l’équation du réchauffement climatique : plus de chaleur, moins de neige, plus de terre, moins de glisse, autrement qu’à ses risques et à ses périls. Pour le skieur d’hiver adepte du domaine skiable de Megève, c’est en slalomant sur des pistes à moitié pelées par la chaleur que les conclusions des différents rapports du groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) prennent tout leur sens. Malgré les efforts entrepris avec la neige de culture, 29 % des pistes françaises en sont équipée, le changement annoncé est bien là. Il a des airs de surchauffe et n’attendra pas 2081-2100 pour constater, comme le précisait un rapport spécial du GIEC de 2019, une baisse de 50 à 90 % de l’épaisseur du manteau neigeux, aujourd’hui quasi déjà transformé en liquette transparente pour les stations de moyenne altitude, à l’exemple de Megève.


Très curieusement, ce paysage de montagne à la couverture neigeuse anorexique, a priori antinomique avec une pratique du ski confortable, ne semble guère affecter la bonne humeur des nombreux amateurs de sports d’hiver venus profiter de ce Saint-Tropez des alpages. Que ce soit dans les files d’attente menant aux télésièges ou aux téléskis, dans les télécabines, sur les pistes praticables, un tantinet surpeuplées faute d’alternative, les visages sont souriants et tout le monde a l’air content de faire semblant de skier sur du verglas ou de la neige-soupe. Un satisfecit bel et bien confirmé par le chiffre d’affaires de la SEM des remontées mécaniques de Megève, passé de 20,3 millions en 2020 à 24,3 millions d’euros en 2022, 2021 restant une année blanche due à la pandémie de Covid-19.


Megève, l'Alpette, 1871 mètres d'altitude, 24 février 2023.


Fièrement équipés des éternelles chaussures lunaires, assurant à leur porteur une démarche de culbuto, de solaires, casques, gants et bâtons, et des indispensables skis ou autres planches fartées, les vacanciers de ces massifs savoyards ont fait leur le slogan emblématique de la fin des années 80, quand il y avait de la neige, « la montagne, ça vous gagne », relancé pour la saison 2022-2023 par France Montagnes, l’association fédérant les principaux acteurs du tourisme de montagne en France. Tout à leur joie, ils n’ont sans doute pas remarqué les grands corbeaux discrètement à l’affût des restes de certaines terrasses bondées des restaurants d’altitude, prêts à saisir l’opportunité d’un bon repas. Ils ne sont pas les seuls à avoir été gagnés par cette nouvelle montagne. Les volatiles aussi profitent.


Quand la demande persuade l’offre des vertus du ski en transat, l’avenir n’est pas loin de sourire à nouveau aux professionnels de la montagne, sauf s’ils persistent à vendre ce qui n’existe plus

Mais de quelle perspective économique parle-t-on ? Pour Megève, dont le nom celte, mageva, annonce un « village au milieu des eaux », personne ne s’offusquerait d’infléchir cet étymologie d’un « entre deux eaux », tant la capitale des sports d’hiver, trop frileuse pour regarder son avenir sans flocon, semble mise dos au mur par le réchauffement climatique. À moins qu’elle ne se laisse influencer par les usagers, ces skieurs heureux de réinventer d’une façon inattendue un loisir qui fut inspiré par le sport, les arrêts tartiflettes et l’imaginaire des pentes enneigées. Quand la demande persuade l’offre des vertus du ski en transat, l’avenir n’est pas loin de sourire à nouveau aux professionnels de la montagne, sauf s’ils persistent à vendre ce qui n’existe plus.

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